(Avril 2024. Crédit AFP)

Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles Gaza a disparu du radar des médias occidentaux depuis des mois, alors même que l’enclave se transforme en une zone de plus en plus meurtrière.

L’une d’entre elles est que, près d’un an après le début de ce que la Cour internationale considère comme un « génocide plausible », dont l’accès a été interdit aux journalistes occidentaux par Israël, pendant qu’il assassinait la plupart des journalistes palestiniens et chassait les organisations d’aide internationale et les Nations unies, il n’y a pratiquement plus personne pour nous expliquer ce qui se passe.

Nous ne disposons que de rares images des souffrances individuelles qui ne permettent pas d’avoir d’une vue d’ensemble. Combien de Palestiniens sont morts ? Nous savons qu’au moins 40 000 d’entre eux ont été tués par Israël – il s’agit des décès enregistrés par les responsables palestiniens avant l’effondrement du système de santé. Mais combien y en a-t-il vraiment ? Deux fois plus ? Quatre fois plus ? Dix fois plus ? Personne ne le sait.

Qu’en est-il de la famine qui sévit à Gaza depuis des mois, parce qu’Israël interdit systématiquement l’entrée de l’aide à l’enclave, conformément à sa promesse d’octobre dernier de priver les Palestiniens de nourriture, d’eau et d’électricité ?

Le procureur général de la Cour pénale internationale, Karim Khan, a demandé des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son ministre de la Défense, Yoav Gallant, car affamer volontairement Gaza est un crime contre l’humanité.

Mais l’interminable famine est présentée en Occident comme un crime presque sans victime. Où sont les morts de cette famine ? Ils ne sont certainement pas sur nos écrans de télévision ou sur les premières pages de nos journaux.

Le nombre réel de morts ne sera probablement jamais communiqué, tout comme il ne l’a pas été après les bains de sang de l’Occident au Moyen-Orient, en Afghanistan, en Irak et en Libye. Les politiciens occidentaux n’ont aucun intérêt à connaître la vérité, et les médias occidentaux n’ont aucun intérêt à la faire connaître.

La prétendue « démocratie » est une coquille vide

Les nouvelles en provenance de Gaza sont activement enterrées pour une autre raison. Le génocide israélien continue d’être la preuve tangible et choquante que les capitales occidentales ne sont pas les bastions de la démocratie et les remparts contre la barbarie qu’elles prétendent être.

Les hommes politiques occidentaux sont totalement complices du génocide – un fait qu’il est impossible de cacher à leurs opinions publiques. Le massacre aurait pu être arrêté à tout moment, si l’administration Biden l’avait voulu.

Les gens ordinaires ont clairement fait savoir qu’ils voulaient que le massacre cesse, ce qui explique pourquoi Biden est obligé de prétendre « travailler sans relâche » à un cessez-le-feu – un cessez-le-feu qu’il pourrait imposer quand il veut.

Israël dépend entièrement des largesses militaires, diplomatiques et financières des États-Unis, comme le montrent clairement les 50 000 tonnes d’armes que l’administration Biden a expédiées à Israël depuis octobre dernier.

Mais la vérité est que les politiciens occidentaux ne se préoccupent plus de la volonté des populations. Ils ne rendent plus de comptes à leur électorat depuis des années, depuis que de puissants groupes d’intérêts ont mis la main sur les systèmes politiques occidentaux.

Des dizaines de millions de personnes sont descendues dans les rues d’Europe pour tenter d’empêcher l’invasion illégale de l’Irak par les États-Unis et la Grande-Bretagne en 2003, et cela n’a pas changé grand-chose.

Pour Gaza, c’est encore pire. Ce n’est pas seulement que, comme auparavant, aucun dirigeant n’écoute le peuple. Ceux qui s’opposent au génocide israélien et à la complicité de l’Occident sont vilipendés. Les millions de personnes qui défilent contre le massacre sont réduites à des « dizaines de milliers », et sont qualifiées d’« antisémites ».

Les États occidentaux – et leur soi-disant « alliance défensive », l’OTAN – ne sont pas là pour servir l’intérêt public. Ils représentent désormais les intérêts d’une petite élite entrepreneuriale, et leur but est de faire ruisseler dans des mains privées les profits des guerres permanentes financées par des fonds publics.

Les profits des massacres

Les fabricants d’armes et les industries de haute technologie, dont les activités de surveillance en plein essor, ne sont pas les seuls à voir leurs actions s’envoler à la suite du massacre de Gaza et de l’Ukraine.

Bloomberg a rapporté le mois dernier que les frappes aériennes israéliennes sur Gaza avaient transformé les maisons de 2,3 millions de Palestiniens en 42 millions de tonnes de décombres. C’est assez pour remplir une file de camions à benne de New York à Singapour.

Ce ne sont pas les entreprises de Gaza qui récolteront les bénéfices de cette gigantesque opération de dévastation. Après 17 ans de blocus de l’enclave par Israël, il ne restait pratiquement plus rien du secteur industriel et commercial de Gaza avant l’actuelle campagne de destruction israélienne. Les bénéficiaires, une fois de plus, seront les entreprises occidentales.

Si le « jour d’après » arrive un jour, ce seront les entreprises occidentales qui feront des offres pour reconstruire Gaza – et très probablement pas pour les habitants palestiniens actuels. Israël veut qu’ils meurent ou qu’ils soient ethniquement nettoyés du territoire.

Une bande de Gaza rasée et vidée de sa population sera une tabula rasa. De nouvelles propriétés coûteuses en bord de mer pourront être vendues à de riches juifs israéliens. De nouvelles zones industrielles et de nouveaux ports permettront d’exporter facilement vers l’Europe et l’Afrique du Nord.

Sans parler de l’exploitation du gaz naturel abondant au large des côtes de Gaza, que les entreprises occidentales lorgnent avec avidité depuis une vingtaine d’années.

Des prétextes pour réprimer

Les entreprises occidentales ne cessent de s’engraisser, pendant que les populations occidentales sont forcées de se serrer de plus en plus la ceinture.

Le nouveau premier ministre britannique, Keir Starmer, qui a compris que sa propre survie politique dépendait de la poursuite de ce pillage de la richesse publique par les grosses multinationales, a entrepris de mettre les Britanniques au pas.

Bien qu’il ait une majorité parlementaire massive, il n’a pas promis un meilleur avenir au public britannique. Bien au contraire, la semaine dernière, il a déclaré que « les choses sont pires que nous ne l’avions jamais imaginé ». Il n’a pas expliqué pourquoi la situation était si mauvaise et s’est contenté de répéter les critiques habituelles contre le gouvernement précédent pour marquer des points politiques.

Starmer a dit qu’il fallait « faire les choses différemment ». Mais la différence qu’il a proposée était en fait d’intensifier l’austérité – la politique emblématique de ses prédécesseurs.

Et, tout comme le programme de Starmer ne prévoit aucun changement sur le plan intérieur, il ne prévoit aucun changement en matière de politique étrangère. Les guerres sans fin se poursuivront.

Le nouveau gouvernement britannique, comme l’ancien, continue de trouver des excuses pour continuer à vendre des armes à une armée israélienne qui les utilise pour massacrer des civils.

Le 2 septembre, le servile ministre des affaires étrangères, David Lammy, a fait semblant de s’opposer à Israël en annonçant qu’il suspendait 8 % de ces ventes après avoir été averti de leur utilisation possible dans les crimes de guerre israéliens. Il n’y a apparemment pas de problème à envoyer les 92 % restants des contrats militaires, y compris les composants utilisés pour l’escadron israélien d’avions de guerre F-35, à un régime activement engagé dans un génocide.

Pendant ce temps, le nouveau gouvernement, comme l’ancien, poursuit la politique de « concentration laser » des opportunités commerciales plus larges avec Israël.

Aux États-Unis, Kamala Harris, parachutée candidate démocrate à l’élection présidentielle en remplacement de Joe Biden, sans avoir obtenu un seul vote, est présentée par des médias complaisants comme la candidate de la « joie » – un message politique passe partout, aussi creux que le slogan tant célébré de l’ancien président Barack Obama, « l’espoir ».

La « joie » sert d’excuse à la répression. Les manifestants à l’extérieur de la Convention nationale du parti démocrate, qui a couronné Harris, ont protesté contre la complicité de Harris et de Biden dans le génocide de Gaza, qui dure depuis près d’un an. Mais ils n’ont bien sûr pas été autorisés à troubler l’ambiance « joyeuse » qui régnait à l’intérieur. Ils ont été expulsés manu militari par la police.

Dans sa première interview depuis sa nomination, Harris a promis que les États-Unis continueraient à soutenir le génocide à Gaza, même si, comme cela semble tout à fait possible, cela la prive d’une poignée d’États clés en novembre et garantit l’élection de Donald Trump à la présidence.

Le joker de « l’antisémitisme »

Starmer et Harris sont tous deux les fidèles créatures d’une bureaucratie auto-reproductrice qui a été capturée il y a longtemps par la machine de guerre de l’Occident, avide de profits.

Son fils préféré est Israël, un État hautement militarisé – une excroissance coloniale de l’Occident – implanté dans un Moyen-Orient riche en pétrole comme un os coincé au fond de la gorge. Israël est là pour promouvoir un suprémacisme juif ouvertement belliqueux, reflet d’un suprémacisme occidental qui préfère aujourd’hui voiler ses ambitions impériales.

Très tôt, les bailleurs de fonds d’Israël ont bénéficié d’une couverture parfaite pour les crimes qu’ils ont commandités contre les natifs, les Palestiniens – une couverture, capable de s’adapter aux circonstances, pour justifier la posture guerrière permanente d’Israël dans la région.

Dans le récit, entièrement centré sur lui-même, de l’Occident, la menace permanente de l’antisémitisme exigeait que les Juifs aient leur propre État forteresse militarisé – une zone de peuplement moderne – comme rempart contre un futur Holocauste.

Pour les capitales occidentales, il n’y a qu’un seul critère qui permet de prouver que les Occidentaux sont délivrés de leur ancienne haine des Juifs : satisfaire tous les désirs militaires d’Israël.

Les Occidentaux qui ont armé Israël et l’ont aidé à expulser les Palestiniens en 1948 et en 1967, ceux qui ont fermé les yeux alors qu’il construisait le seul arsenal nucléaire de la région, ceux qui encourageaient ses guerres contre ses voisins et ceux qui faisaient pression pour saper le droit international pendant ces guerres criminelles, ont prouvé qu’ils n’étaient pas contaminés par le virus de la haine des juifs.

Ceux qui s’opposaient à l’impérialisme occidental et aux excès de son État client favori du Moyen-Orient, ceux qui défendaient les droits de l’homme et le droit international, pouvaient être ostracisés et accusés d’antisémitisme.

Cette formule bien rodée, aussi extraordinaire qu’elle puisse paraître, a perduré alors même qu’Israël a poursuivi le suprémacisme juif jusqu’à son aboutissement logique à Gaza : l’extermination de la population qui s’y trouve.

Ceux qui soutiennent l’armement d’un pays génocidaires sont dans le bon camp. Ceux qui s’y opposent sont des antisémites et des soutiens du terrorisme.

Les journalistes indépendants et les militants de la solidarité avec les Palestiniens sont aujourd’hui intimidés et harcelés grâce aux lois antiterroristes draconiennes en Grande-Bretagne.

Les plateformes de médias sociaux censurent les messages qui critiquent Israël, confinant l’opposition au génocide à de petits cercles en ligne.

Les universités commencent à rédiger de nouvelles règles pour que les sionistes – ceux qui souscrivent à l’idéologie politique extrémiste d’Israël – bénéficient des mêmes protections que les hispaniques ou les noirs.

L’objectif est d’interdire toute expression de solidarité avec les Palestiniens sur les campus en l’assimilant à du racisme, et d’empêcher le retour des grandes manifestations qui ont balayé les universités américaines au printemps et à l’été.

Inversion de la réalité

De plus, l’Establishment occidental réprime toute tentative d’expliquer les causes du génocide israélien. Il supprime même la terminologie nécessaire pour pouvoir le faire.

Le sionisme est une idéologie née il y a plusieurs siècles, ancrée dans un fondamentalisme chrétien antisémite qui exigeait le « retour » forcé des Juifs d’Europe en Terre sainte. De cette manière, une prétendue prophétie biblique s’accomplirait, amenant une fin des temps dans laquelle seuls les chrétiens trouveraient la rédemption.

Il y a un peu plus d’un siècle, le sionisme a commencé à faire son chemin dans la pensée d’une petite élite juive européenne, qui voyait dans l’antisémitisme chrétien une voie vers la création d’un État juif qu’elle pourrait diriger avec l’aide de l’Occident.

Les sionistes chrétiens antisémites voulaient que les Juifs quittent l’Europe et soient ghettoïsés en Terre sainte, tout comme la nouvelle génération de sionistes juifs.

Theodor Herzl, le père du sionisme juif, a parfaitement compris cette confluence d’intérêts lorsqu’il a écrit dans son Journal : « Les antisémites deviendront nos amis les plus sûrs, les pays antisémites nos alliés ».

Pour comprendre comment et pourquoi Israël commet un génocide à Gaza, et pourquoi l’Occident le permet, il est essentiel d’analyser le rôle historique joué par le sionisme et la manière dont l’antisémitisme a été instrumentalisé au fil des décennies pour servir de couverture parfaite à la dépossession, et maintenant à l’extermination, du peuple palestinien.

C’est précisément la raison pour laquelle, sur la voie du pouvoir, Starmer, le nouveau premier ministre britannique, a été un des premiers à faire l’amalgame entre l’antisionisme – l’opposition au sionisme – et l’antisémitisme.

La machine de guerre entrepreneuriale exige de tous ceux qu’elle autorise à s’approcher des centres de pouvoir, qu’ils s’engagent à entretenir cette inversion de la réalité : ceux qui soutiennent la guerre sont les gentils, et ceux qui s’opposent au génocide sont des antisémites.

En essayant de rétablir la vérité, le prédécesseur de Starmer, Jeremy Corbyn, s’est condamné à des calomnies et des persécutions sans fin.

Aujourd’hui, ceux qui tentent – face à un génocide – de rester objectifs et humains se retrouvent pareillement vilipendés.

Un génocide par procuration ?

Tel est le contexte caché dans lequel il convient de replacer les développements de plus en plus dangereux engendrés par le génocide de Gaza.

Les dirigeants politiques et militaires israéliens sont divisés sur la direction à prendre.

Certains sont prêts, après avoir dévasté Gaza, à conclure un accord sur les captifs israéliens restants, à se retirer quelque peu et à laisser le reste du génocide se dérouler progressivement.

Aluf Benn, rédacteur en chef du vénérable journal israélien Haaretz, a récemment exposé le plan qui se dessine pour le « jour d’après ».

Israël divisera Gaza en deux territoires, l’un au nord et l’autre au sud, le long du corridor de Netzarim, et réduira à la famine les habitants du nord qui refuseront de partir.

Le nord de Gaza sera occupé par des Juifs, attirés par « sa topographie favorable, sa vue sur la mer et sa proximité avec le centre d’Israël ».

Le sud de Gaza, rempli de réfugiés démunis, sans abri et souvent mutilés, privés de logements, d’écoles et d’hôpitaux, sera laissé à l’abandon sous un siège israélien encore plus féroce qu’avant le 7 octobre. On s’attend à ce que les médias perdent le peu d’intérêt qu’ils ont encore pour le sort des Palestiniens.

Benn évite de mentionner ce qui se passera ensuite. La population de l’enclave sera confrontée à un hiver long, froid et humide, sans électricité ni installations sanitaires. La famine s’aggravera, les épidémies se propageront.

Un génocide par procuration…

À moins que les États voisins, et plus particulièrement l’Égypte, ne soient soumis à un chantage et n’acceptent finalement de se rendre complices du nettoyage ethnique de Gaza.

C’est le point de vue d’une grande partie du commandement militaire, exprimé par le ministre de la défense, Gallant, qui aurait eu « une violente altercation » avec Netanyahu pendant la réunion de cabinet du 30 août, au sujet des mesures prises par le premier ministre pour entraver la conclusion d’un accord avec le Hamas sur les captifs et les prisonniers.

C’est également ce qui a motivé les grandes manifestations dans les villes israéliennes cette semaine et l’appel à la grève générale lancé par le principal syndicat, après que six otages ont été ramenés morts de Gaza.

Une pierre deux coups

La question est de savoir si le gouvernement de Netanyahu peut être persuadé de s’en tenir à ce génocide « minimaliste ».

Impatiente d’achever le massacre de Gaza et consciente qu’Israël est déjà un État paria aux yeux des États non occidentaux et, désormais, de plus en plus, des opinions publiques occidentales, l’extrême droite du gouvernement Netanyahu accélère le pas. Elle a décidé de bloquer indéfiniment un cessez-le-feu et d’utiliser le temps gagné pour étendre le génocide au territoire palestinien plus vaste et plus prisé de Cisjordanie.

C’est la façon israélienne de faire d’une pierre deux coups. C’est également le seul moyen pour Netanyahu de maintenir sa coalition d’extrême droite et d’exploiter son rôle de « chef de guerre » pour repousser son rendez-vous avec la justice dans le cadre de son procès pour corruption qui n’en finit pas.

Les attaques à grande échelle de la semaine dernière contre les principales villes de Cisjordanie, au cours desquelles les responsables israéliens ont ordonné à la population de se tenir prête à fuir certaines zones juste avant de les attaquer, sont un avant-goût de ce qui est prévu.

Le génocide de Gaza n’ayant pas provoqué la moindre réaction négative de la part des capitales occidentales, la droite israélienne est de plus en plus convaincue que le même modèle peut s’appliquer à la Cisjordanie.

Le ministre des affaires étrangères, Israël Katz, a indiqué qu’ils traiteraient la Cisjordanie « exactement comme nous traitons l’infrastructure terroriste à Gaza, y compris l’évacuation temporaire des civils palestiniens ».

En réponse, un fonctionnaire américain a indiqué que Washington était prêt à soutenir l’extension à la Cisjordanie de la guerre génocidaire menée par Israël contre le peuple palestinien : « Nous reconnaissons que des ordres d’évacuation localisés peuvent être nécessaires dans certains cas pour protéger la vie des civils au cours de délicates opérations de lutte contre le terrorisme ».

Le sentiment d’urgence des dirigeants israéliens vient d’être encore accentué par la récente décision de la Cour mondiale selon laquelle l’occupation par Israël des territoires palestiniens est illégale et constitue un régime d’apartheid.

Le saccage de la Cisjordanie peut être justifié indéfiniment par l’excuse de déjouer une « menace terroriste soutenue par l’Iran ».

Le soutien des États-Unis ne fera que s’accentuer si Trump gagne en novembre. S’il parvient à mettre fin à la guerre par procuration de l’OTAN en Ukraine, les ressources militaires consacrées à ce pays pourront être redirigées vers Israël.

La pyromanie israélienne

Netanyahu et ses alliés comprennent que leur solution au « problème palestinien » risque de provoquer une conflagration régionale, raison pour laquelle ils ont besoin d’entraîner les États-Unis plus profondément dans le bourbier.

Ils ont dans leur manche de multiples provocations potentielles susceptibles de pousser Washington à neutraliser un « axe de résistance » régional qui constitue un obstacle à l’hégémonie militaire d’Israël dans la région.

Itamar Ben Gvir, le ministre fasciste en charge de la police, cherche à allumer une allumette sous Al-Aqsa à Jérusalem-Est occupée. Ses milices policières assurent la protection des fascistes juifs qui pénètrent sur l’esplanade des mosquées pour y prier.

Le 26 août, Ben Gvir a intensifié son incitation en appelant publiquement, pour la première fois, à la construction d’une synagogue à l’intérieur d’Al-Aqsa.

Mais la véritable cible est l’Iran et les groupes qui lui sont alliés. Netanyahu, le pyromane, s’est livré à une série d’assassinats destinées à humilier Téhéran, le principal sponsor de la résistance, et ses alliés du Hezbollah au Liban, tout en rendant impossibles les négociations visant à mettre fin à l’effusion de sang à Gaza.

En avril, Israël a frappé le consulat d’Iran à Damas, tuant 16 personnes. Le 31 juillet, il a assassiné le responsable politique et négociateur en chef du Hamas, Ismail Haniyeh, pendant son séjour à Téhéran.

Le jour précédent, Israël avait tué Fuad Shukr, un commandant militaire du Hezbollah, lors d’une attaque contre la capitale libanaise, Beyrouth.

Une frontière en ébullition

Netanyahu connaissait les conséquences inévitables.

Yahya Sinwar, le chef militaire du Hamas, beaucoup moins prêt au compromis, a comblé le vide laissé au sein du groupe par l’exécution de Haniyeh.

Le Hezbollah et l’Iran ont des raisons encore plus grandes de lancer des opérations de représailles contre Israël, qui pourraient rapidement dégénérer en une guerre totale.

Les avions de guerre israéliens ont bombardé plus de 40 sites au Liban, tandis que le Hezbollah a lancé plus de 300 roquettes et drones sur des sites militaires en Israël.

La frontière nord d’Israël est en ébullition depuis des mois.

De hauts responsables politiques israéliens réclament bruyamment que l’armée israélienne détruise le Sud-Liban et le réoccupe. En juin, Israël aurait approuvé un plan de guerre au Liban. L’envoyé américain au Liban aurait déclaré au Hezbollah que Washington « ne pourra pas retenir Israël ».

Le New York Times a fait état d’une recrudescence du recrutement de Palestiniens au Liban par les brigades armées du Hamas, ce qui ajoute un autre élément imprévisible à la situation.

Et par un enchaînement d’actions-réactions favorable à Israël, plus il provoque l’Iran, plus il crée une excuse pour répéter la formule du génocide de Gaza en Cisjordanie, en bombardant ses villes et en chassant sa population.

Le ministre des affaires étrangères, Katz, expose précisément cette thèse dans des articles en anglais destinés à des publics occidentaux, en accusant l’Iran de faire passer des armes en contrebande en Cisjordanie via la Jordanie.

Il affirme que Téhéran « travaille à l’établissement d’un front terroriste oriental contre Israël par l’intermédiaire d’unités spéciales du CGRI [Corps des gardiens de la révolution islamique d’Iran], impliquées dans la contrebande d’armes, le financement et la direction d’organisations terroristes ».

Les hommes politiques et les médias occidentaux n’admettront jamais qu’Israël se livre à un génocide à Gaza. S’ils le faisaient, le voile des illusions entretenues pendant des décennies sur Israël – conçu pour dissimuler la complicité de l’Occident dans les crimes israéliens – se déchirerait.

En commettant un génocide, un État franchit un seuil inacceptable. Personne ne peut croire qu’on peut parvenir à le modérer en l’armant toujours davantage. Personne ne peut davantage croire qu’il soit possible de le raisonner et de l’amener à faire la paix. Ce qu’il faut, c’est l’isoler sur la scène internationale et le sanctionner.

Rien n’indique que les dirigeants occidentaux soient disposés à le faire pour une raison très simple : ils n’en ont pas les moyens.

Ils continueront donc à alimenter la machine de guerre jusqu’à ce que nous les arrêtions ou que cet engrenage infernal nous explose à la figure.

Jonathan Cook, journaliste indépendant

Source: Middle-East Eye, 4 septembre 2024.

Traduction : Dominique Muselet