
President Joe Biden speaks with national security advisers after a bilateral meeting with Israeli Prime Minister Benjamin Netanyahu, Thursday, July 25, 2024, in the Oval Office. (Official White House Photo by Adam Schultz)
La dernière mission diplomatique d’Amos Hochstein au Liban, loin de favoriser une paix véritable, semble conçue pour utiliser la diplomatie comme une stratégie secrète afin d’obtenir ce que la force militaire n’a pas pu obtenir.
Le 21 octobre, Amos Hochstein, né en Israël en 1973 et ancien tankiste israélien, est retourné au Liban en tant qu’envoyé américain, non pas pour protéger la paix, mais pour la redéfinir selon les termes de Tel-Aviv.
L’ironie est indéniable : Israël, qui a perdu 28 chars en presque autant de jours lors de sa dernière tentative d’invasion, envoie maintenant l’un de ses anciens membres d’équipage de char, non pas au combat, mais en diplomatie – pour obtenir par les mots ce que la force militaire n’a pas pu garantir : le contrôle du Liban par le biais de révisions de la résolution 1701 de l’ONU.
La mission de Hochstein peut sembler être un acte de diplomatie, mais s’agit-il vraiment de favoriser la paix ? Ou s’aligne-t-il sur la politique israélienne pour recadrer le contrôle tout en érodant la souveraineté du Liban ? Le vernis diplomatique ne dissimule qu’à peine l’agenda sous-jacent du contrôle.
D’Oslo à 1701 : Réinterpréter la paix pour mieux la contrôler
Le manuel israélien de manipulation des processus de paix n’est pas nouveau. Dans une vidéo divulguée en 2001, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu se vantait d’avoir manipulé les accords d’Oslo en utilisant des expressions vagues telles que « installations militaires » pour renforcer le contrôle israélien sur les zones contestées.
Netanyahou a ouvertement déclaré : « L’Amérique est quelque chose que l’on peut facilement manœuvrer », faisant allusion à la facilité avec laquelle l’influence israélienne façonne la diplomatie américaine – une dynamique qui est évidente aujourd’hui dans les actions de Hochstein.
Les pressions exercées par ce vétéran de l’armée israélienne en faveur d’amendements à la résolution 1701 s’inscrivent clairement dans la continuité de cette stratégie : promouvoir les intérêts de l’État d’occupation sous le couvert de la diplomatie de Washington. Tout comme Netanyahou a réinterprété les accords d’Oslo pour renforcer le contrôle israélien, les modifications proposées par Hochstein à la résolution 1701 visent à en faire un outil permettant d’étendre l’influence de Tel-Aviv. Il ne s’agit pas d’une diplomatie pour la paix, mais d’une diplomatie pour le pouvoir.
1701 : la bataille inachevée d’Israël
La résolution 1701, adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies le 11 août 2006, a marqué un point critique pour Israël, qui s’est trouvé dans l’incapacité de vaincre le Hezbollah pendant la guerre de juillet, malgré ses capacités militaires avancées.
Négocié par la secrétaire d’État américaine de l’époque, Condoleezza Rice, le cessez-le-feu a permis à Israël de sauver la face sous le couvert de la diplomatie, plutôt que d’être confronté à une bataille prolongée et ingagnable. Mais la résolution est depuis lors un point de discorde permanent, qu’Israël a violé à maintes reprises.
Une violation notable est la poursuite de l’occupation par Israël des fermes de Chebaa, qui contrevient à la fois à la résolution 1701 et à la précédente résolution 425. La décision du Hezbollah de rester armé, souvent critiquée au niveau international et dans certains milieux au niveau national, devient une réponse logique et légalement justifiée en vertu du droit international, étant donné l’occupation par Israël du territoire libanais. La présence continue des forces israéliennes sape la paix même que la résolution 1701 visait à établir.
Le mépris de Tel-Aviv pour la résolution va au-delà de l’occupation territoriale. Depuis 2013, Israël a violé à plusieurs reprises l’espace aérien libanais pour mener des frappes sur la Syrie, considérant le ciel libanais comme une porte dérobée non surveillée pour des interventions étrangères.
Ce comportement belliqueux s’apparente à celui d’un intrus qui utiliserait la cour d’un voisin pour en attaquer un autre – un acte qui porte entièrement atteinte à la souveraineté du Liban. En août 2019, une escalade significative s’est produite lorsqu’Israël a lancé une frappe de drone à Beyrouth, que le président de l’époque, Michel Aoun, a condamnée comme une « déclaration de guerre ».
En outre, l’occupation par Israël de la partie nord du village de Ghajar constitue une nouvelle violation de la Ligne bleue et de la résolution 1701. Malgré le déploiement de la FINUL et des forces armées libanaises au sud du fleuve Litani, le refus persistant d’Israël de se retirer fait que la paix reste insaisissable, laissant le Liban sous la menace constante d’une agression israélienne.
Réécrire la loi 1701
Les amendements proposés par Hochstein à la résolution 1701 révèlent la stratégie plus large d’Israël qui consiste à utiliser les mécanismes internationaux pour atteindre ses objectifs. Ces modifications étendent la juridiction de la FINUL à deux kilomètres au nord du fleuve Litani, ce qui permet aux forces internationales d’effectuer des recherches, des patrouilles et des inspections sans avoir besoin de l’approbation des autorités libanaises. Ces inspections peuvent inclure la fouille de véhicules, de propriétés privées et de sites d’armement présumés.
En réalité, il s’agit d’une demande adressée au Liban pour qu’il cède le contrôle de son propre territoire, ce qui constitue une atteinte manifeste à sa souveraineté. Sous le couvert du maintien de la paix, cela permettrait à Israël de contrôler indirectement la dynamique de la sécurité intérieure du Liban, d’autant plus que les renseignements utilisés pour ces opérations peuvent être influencés par des sources israéliennes, voire en provenir.
Les yeux rivés sur le sud
La proposition de Hochstein soulève des questions cruciales concernant le contrôle des renseignements : Qui guidera ces opérations et comment les intérêts secrets d’Israël pourront-ils être servis ? L’implication potentielle d’entreprises technologiques israéliennes telles que Toka, cofondée par l’ancien premier ministre Ehud Barak, est révélatrice.
Toka est spécialisée dans les technologies de surveillance avancées qui permettent de pirater et de manipuler les flux vidéo en direct ou enregistrés par les caméras de sécurité publiques et privées, notamment dans les ports, les aéroports et les postes-frontières.
Si la technologie de Toka est déployée au Sud-Liban, elle pourrait potentiellement compromettre les systèmes mêmes utilisés par la FINUL. Cette technologie, qui ne laisse aucune trace, pourrait être exploitée pour surveiller le Hezbollah et les mouvements militaires libanais, le tout sous couvert d’opérations internationales de maintien de la paix. Les conséquences seraient profondes : une érosion complète de la sécurité du Liban, remplacée par un réseau de surveillance manipulé par Israël pour servir ses propres intérêts stratégiques.
L’approche secrète d’Israël en matière de surveillance est visible dans la manière dont il traite les banlieues sud de Beyrouth. La tristement célèbre doctrine Dahiya préconise la destruction massive des zones civiles pour cibler les bastions du Hezbollah, mais Israël semble éviter d’appliquer pleinement cette politique, peut-être en raison de son désir de préserver les infrastructures qui soutiennent les opérations secrètes.
Des technologies comme celle de Toka suggèrent un plan plus calculé, permettant de surveiller 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 les zones contrôlées par le Hezbollah sous le fleuve Litani. Armé de renseignements précis, Israël pourrait procéder à des frappes ciblées ou à des assassinats semblables à ceux de la guerre de 2006, transformant le Sud-Liban en une zone de surveillance perpétuelle et de violence intermittente, tout cela sous le prétexte d’adhérer à la résolution 1701.
Le rejet de Berri
Nabih Berri, leader de longue date du mouvement Amal et allié fidèle du Hezbollah, s’est immédiatement opposé aux amendements proposés par M. Hochstein. En tant que président du Parlement depuis 1992, M. Berri est une figure clé de la résistance aux empiétements israéliens et de la défense de la souveraineté libanaise.
Ses relations de longue date avec le Hezbollah et le mouvement politique chiite au sens large font de lui une figure essentielle de la lutte du Liban contre l’intervention étrangère. En recevant les propositions de Hochstein, Berri les a reconnues pour ce qu’elles étaient : une tentative de saper la souveraineté libanaise sous le couvert d’un renforcement du maintien de la paix.
Alors que Hochstein présentait ces amendements comme nécessaires à la stabilité, la réponse de Berri était claire : le véritable problème n’est pas le manque de surveillance, mais les violations continues par Israël de l’espace aérien et du territoire libanais. Comme l’a souligné M. Berri, toute véritable recherche de la paix doit commencer par la responsabilisation d’Israël pour son agression et le respect des résolutions existantes de l’ONU.
Il a également annoncé que « le consensus entre les Libanais sur la résolution 1701 est un consensus rare, et nous y sommes attachés », ajoutant : « Nous rejetons tout amendement à la résolution 1701, qu’il s’agisse d’une augmentation ou d’une diminution ».
Dans une interview accordée à Al Arabiya TV, M. Berri a également déclaré : « Je suis mandaté par le Hezbollah depuis 2006, et il est d’accord avec la résolution 1701. »
La résolution 1701, censée établir la paix, est en train d’être transformée en un outil de surveillance – un mécanisme permettant à Israël d’obtenir ce qu’il ne pourrait pas obtenir par des moyens militaires. L’utilisation de technologies de surveillance sophistiquées, l’application sélective des conditions du cessez-le-feu et l’implication de forces internationales servent toutes à saper la souveraineté du Liban, faisant de la « paix » un vain mot.
Anis Raiss, 25 OCT 2024
Source: The Cradle.co /Traduction ASI