Gabbard, alors représentant des États-Unis, s’adressant à la convention d’État du Parti démocrate de Californie de 2019 à San Francisco. (Gage Skidmore, Wikimedia Commons, CC BY-SA 2.0)


Les sénateurs se livrent à des jeux de piste lors de l’audition de confirmation de Mme Gabbard aujourd’hui

Bien installé chez lui en Russie, Edward Snowden, accusé de fuite et transfuge américain, a néanmoins occupé le devant de la scène lors de l’audition de confirmation de l’ancienne députée d’Hawaï pour le poste de directeur du renseignement national (DNI), jeudi, et franchement, il ne l’a jamais quittée.

Pour sa part, Mme Gabbard a profité de son discours d’ouverture pour mettre l’accent sur ce qu’elle considère comme son rôle en matière de renseignement, expliquant que les décisions antérieures de la Communauté du renseignement (CR) – y compris les « échecs » mais aussi les « fabrications » – ont conduit à des bévues majeures en matière de politique étrangère, à un lourd tribut pour les militaires américains et ont précipité des souffrances humaines massives.

« Notre échec total en matière de renseignement a conduit à des échecs coûteux et à l’affaiblissement de notre sécurité nationale et des droits fondamentaux inscrits dans la Constitution », a expliqué Mme Gabbard à la commission sénatoriale du renseignement. « L’exemple le plus évident de l’un de ces échecs [du renseignement américain] est notre invasion de l’Irak basée sur une fabrication totale, notre échec complet en matière de renseignement. Cette décision désastreuse a conduit à la mort de dizaines de milliers de soldats américains, de millions de personnes au Moyen-Orient […], à la montée en puissance d’ISIS, au renforcement d’Al-Qaïda et d’autres groupes islamistes djihadistes. »

Mme Gabbard a fait le lien entre ces remarques et l’évolution de la situation en Syrie, citant un courriel de 2012 dans lequel Jake Sullivan, conseiller adjoint de M. Obama en matière de sécurité nationale, déclarait à Hillary Clinton, alors secrétaire d’État, qu’« Al-Qaïda est de notre côté en Syrie ».

« La Syrie est désormais contrôlée par la branche d’Al-Qaïda HTS, dirigée par un djihadiste islamiste qui a dansé dans les rues le 11 septembre et qui est responsable de l’assassinat de nombreux soldats américains », a expliqué Mme Gabbard.

Expliquant que son passage dans l’armée et au Congrès lui a appris « le coût élevé des échecs et des abus en matière de renseignement », Mme Gabbard a déclaré qu’elle « s’efforcerait de mettre fin à la politisation de la Communauté du renseignement » (CR) et « veillerait à ce que la CR se concentre clairement sur sa mission principale, à savoir la collecte et l’analyse impartiales et apolitiques des renseignements » en tant que directrice nationale de l’information.

Comme prévu, les sénateurs (principalement démocrates, mais aussi républicains) ont demandé à Mme Gabbard si elle soutenait l’article 702 de la loi sur la surveillance du renseignement étranger (Foreign Intelligence Surveillanc e Act) et ont remis en question à plusieurs reprises la rencontre de Mme Gabbard avec le président syrien de l’époque, Bashar al-Assad, qui a eu lieu en 2017. Sur le premier point, Gabbard a réitéré qu’elle soutenait l’autorité (un changement par rapport à sa position antérieure) et sur le second, elle a répondu que « je crois que les dirigeants – qu’ils soient au Congrès ou au Président peuvent grandement bénéficier d’une rencontre avec des gens, qu’ils soient des adversaires ou des amis. »

Mais outre cela, les sénateurs ont critiqué à plusieurs reprises la position de Mme Gabbard sur Edward Snowden, un lanceur d’alerte/héros ou traître selon les personnes qui parlent. En 2013, Edward Snowden a divulgué des milliers de documents classifiés exposant la surveillance généralisée des Américains par la NSA. Mme Gabbard, en collaboration avec Matt Gaetz, alors membre du Congrès de Floride, a présenté un projet de loi visant à abandonner les charges retenues contre M. Snowden en 2020.

Les sénateurs ont demandé à plusieurs reprises à Mme Gabbard si elle qualifierait Snowden de traître. Mme Gabbard a admis que M. Snowden avait enfreint la loi et qu’elle ne ferait plus pression pour qu’il soit gracié, mais elle a maintenu qu’il avait publié des documents essentiels pour révéler l’étendue de l’espionnage illégal des Américains par le gouvernement américain. Il a atterri en Russie en 2013 alors qu’il était en route pour obtenir l’asile ailleurs (son passeport américain avait été révoqué) et a obtenu la citoyenneté russe en 2022.

« Edward Snowden a enfreint la loi et a divulgué des informations d’une manière qu’il n’aurait pas dû », a déclaré Mme Gabbard en réponse aux questions du sénateur Ted Budd (R-NC) sur M. Snowden. « Il a également reconnu et exposé des informations qui étaient inconstitutionnelles, ce qui a conduit à un grand nombre de réformes que ce corps a faites au fil des ans pour s’assurer que les droits constitutionnels des Américains sont protégés ».

La prédominance de Snowden dans l’audience n’a pas échappé aux médias qui ont observé le spectacle.

« Les sénateurs Michael Bennet, James Lankford et d’autres se sont enfermés dans des questions obsessionnelles sur Snowden – un homme qui a commis un crime il y a plus de dix ans, mais qui a révélé les abus de notre gouvernement », a déclaré Curt Mills, de The American Conservative, dans le New York Times. « Leur focalisation a révélé le type de myopie qui a maintenant motivé deux fois les Américains à propulser Trump au pouvoir ».

Après près de trois heures de questions, le processus de confirmation de Gabbard s’est ensuite déroulé à huis clos, avec un vote de confirmation prévu « dès que possible ». Gabbard ne peut pas se permettre de perdre une seule voix Républicaine pour que le président Tom Cotton puisse passer de la commission du renseignement à un vote du Sénat « en toute confiance ». Comme l’a fait remarquer Matt Sledge, journaliste à Intercept, « si l’on se fie aux questions posées jeudi, le vote pourrait dépendre de la position de Gabbard sur Snowden ».

Stavroula Pabst

Article original en anglais publié sur Responsiblestatecraft.org le 30 janvier 2025

Traduction Arretsurinfo.ch