Arrêt sur info poursuit la publication d’une série de textes rédigés en 2006, lors de la guerre menée et perdue par Israël contre le Hezbollah, utiles pour mieux comprendre ce qui se trame aujourd’hui à l’heure où l’Etat d’Israël semble vouloir ouvrir de nouveaux fronts au Moyen-Orient. [ASI 08/11/2017]

Les débats autour d’une guerre contre l’Iran
Comment le Hezbollah a vaincu Israël
Le Hezbollah joue un rôle fondamental dans la résistance à la domination d’Israël

Armée israélienne près d’un poste militaire au Liban le 18 Septembre 2014. 

Le Lobby et l’invasion du Liban par Israël : leur version des faits, et la nôtre…

Par James Petras, 29 août 2006

Toutes les organisations juives américaines, au niveau de la fédération, des États et des communautés locales ont lancé une campagne de récolte de fonds et de propagande en soutien aux 21 civils et aux 116 militaires juifs tués au cours de l’invasion du Liban par Israël (mais pour aucun des 18 Arabes israéliens tués, exclus des abris réservés aux juifs). En bons auxiliaires du ministère israélien des Affaires étrangères, aucune des 52 associations qui composent le groupe des Présidents des principales organisations juives des USA n’a formulé la moindre critique au sujet des destructions massives de domiciles privés, d’hôpitaux, de bureaux, de supermarchés, de convois de réfugiés, d’églises et de mosquées, ni élevé la moindre protestation contre les assassinats délibérés de civils, de Casques bleus de l’ONU et de secouristes au moyen de bombes de précision. Au contraire : c’est toute la communauté juive qui s’est faite l’écho dans les moindres détails des mensonges israéliens, selon lesquels les morts libanaises auraient été causées par le recours de la résistance à des « boucliers humains », en dépit de la dévastation totale des banlieues sud de Beyrouth très densément peuplées, mais beaucoup trop éloignées pour qu’un quelconque missile du Hezbollah en ait été tiré.

On peut mesurer avec une grande précision l’ampleur de l’occultation de l’assaut massif d’Israël par le lobby juif.

Les Forces Israéliennes de Défense (IDF) [il s’agit de forces offensives, ndlr] ont lancé sur le Liban 5 000 missiles, bombes « tueuses de bunkers » de cinq tonnes et bombes anti-personnelles au phosphore, quotidiennement et, ce, durant vingt-sept jours, ce qui nous donne un total de plus de 135 000 projectiles divers (missiles, bombes et obus d’artillerie). Durant les sept derniers jours de la guerre, Israël a lancé 6 000 bombes et obus par jour – dont plus de 42 000, sur un total général de 177 000, sur un territoire densément peuplé, de la taille du plus petit État des USA. Par contraste, la résistance nationale libanaise n’a, quant à elle, lancé, au total, que 4 000 roquettes durant toute la durée du conflit (soit 34 jours), ce qui représente 118 roquettes quotidiennement. Le ratio était donc de 44 projectiles contre 1 – sans mentionner les différences de taille, ni les effets mortels à long terme des milliers de bombes à fragmentation israéliennes non explosées (qui ont causé une cinquantaine de tués et de mutilés depuis la fin des hostilités), ni l’incursion terrestre israélienne caractérisée par une véritable politique de la terre brûlée.

Les lobbyistes juifs diffusent un nombre de 41 civils israéliens tués, oubliant de mentionner que seuls 23 parmi eux étaient juifs, les 18 autres étant des membres de la minorité arabe, chrétienne et musulmane, d’Israël, qui représente environ 20% de la population israélienne totale. Le nombre disproportionné d’Arabes israéliens tués est dû à la politique du gouvernement israélien consistant à fournir des abris anti-aériens et des sirènes d’alarme aux juifs, tout en ignorant la sécurité de ses administrés arabes. Le ratio des morts de civils par rapport aux morts de militaires a été de 41 / 116, soit 26 % du total des tués israéliens (mais si nous ne prenons en considération que les seuls Israéliens juifs et les seuls militaires de l’armée israélienne, ce ratio se ramène à 23 / 116, soit 16 % seulement des tués civils, chez les juifs). A l’évidence, la résistance libanaise a donc dirigé la plupart de ses tirs contre l’armée israélienne d’invasion.

En revanche, au Liban, sur les 1 181 tués recensés jusqu’ici, 1 088 étaient des civils et seulement 93 étaient des combattants. Autrement dit : 92 % des Libanais tués étaient des civil, ce qui représente plus du triple du ratio des civils tués par la résistance libanaise, et près du sextuple de celui des civils juifs tués (les seuls qui comptent, pour la machine de propagande du Lobby). Pour dire les choses plus abruptement : pour chaque mort d’un civil juif israélien, ce sont non moins de 47 civils libanais qui ont été massacrés. [ voir : http://www.atlasbooks.com/clarity/b0030.htm ]

Les allégations du Lobby juif quant la supériorité morale et militaire d’Israël, au Moyen-Orient – affirmation combinée, paradoxalement, avec la mise en garde relative à la menace censée pesée sur la survie d’Israël – ont été réduites en lambeaux, à la suite de l’échec des Israéliens à anéantir le Hezbollah.

La diffusion par le Lobby des prétentions de l’armée israélienne selon lesquelles cette armée serait invincible est fondée, dans une grande mesure, sur les « combats » livrés par cette armée contre des écoliers palestiniens lançant des pierres. Aujourd’hui, il est désormais clair qu’ils sont parfaitement vulnérables quand ils se retrouvent face à des combattants bien armés et très aguerris de la guérilla libanaise.

D’après un rapport de l’ONU, entre le 26 juin et le 26 août 2006, Israël a tué 202 Palestiniens, dont 44 enfants en bas âge, tout en ne perdant qu’un seul soldat.

Au Liban, en revanche, Israël a perdu 116 hommes, contre 93 combattants libanais, en 34 jours de combats (soit pratiquement en moitié moins de temps).

Autrement dit : il y a eu 157 fois plus d’Israéliens tués du fait de l’invasion du Liban, en un mois, qu’il n’y a en a eu en Palestine, en deux mois (source : United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs, 26 août 2006). La campagne de propagande du Lobby juif au Congrès US, dans l’ensemble des mass médias et même dans les plus petites communes, afin de défendre la « Pluie d’été » d’Israël (puisque tel était le nom donné à cette campagne militaire consistant à faire pleuvoir des bombes sur des civils) contre les Palestiniens a été dénoncée comme une politique meurtrière de la terre brûlée par le rapport des Nations unies et résumée par le quotidien israélien Ha’aretz du 17 août : « La [campagne]… continue à prélever un sévère tribut sur quelque 1,4 million de Palestiniens… des milliers de Palestiniens ont dû abandonner leur maison, en raison des incursions incessantes de l’armée israélienne à l’intérieur de la bande de Gaza et d’intenses bombardements… L’aviation israélienne a effectué 247 raids aériens sur la bande de Gaza… plus d’un million de personnes se retrouvent sans fourniture régulière d’eau potable et d’électricité. » Mais le Lobby, à l’instar de totalitaires hautement compétents, renverse les rôles : il appelle « terroristes » les victimes palestiniennes (toutes, soit les 202 victimes), et « victimes » les bourreaux (les Forces israéliennes de défense) [un seul soldat israélien tué, en réalité, vraisemblablement atteint, de surcroît, par un « tir ami ».]

George Orwell aurait pu écrire un essai caustique sur la version israélienne de la Ferme des Animaux dont le Lobby nous donne la primeur – une version dans laquelle une mort israélienne vaut plus de 202 morts palestiniennes !

Quand on recense Daily Alert [Alerte quotidienne], une feuille chou de propagande préparée par le Jerusalem Center for Public Affairs [officine semi-officielle du bras propagandiste du régime israélien] à l’attention de la Conférence des Présidents des Principales Organisations Juives des USA [CPMAJO – Conference of Presidents of Major American Jewish Organizations], on n’y trouve aucune mention du fait que l’État juif était en train de tuer près de 10 civils libanais pour chaque combattant israélien tué, alors que la résistance du Hezbollah tuait quatre fois moins de militaires israéliens que de civils israéliens (tant juifs que gentils). Aucun des articles d’opinion, des éditoriaux ou des commentaires reproduits par Daily Alert à partir du Wall Street Journal, du Washington Post, du National Telegraph, du New York Sun, de USA Today, du Boston Globe, du New York Times, de Haaretz, du Jerusalem Post ou du Times [Royaume-Uni] ne mentionne le fait que la tellement vantée « précision » des bombardements israéliens a équivalu à prendre pour cibles des civils, alors que l’armement infiniment moins sophistiqué des défenseurs du Liban a frappé presque exclusivement les envahisseurs de l’armée israélienne….

Ces omissions du Lobby juif et de ses membres et soutiens dans la presse anglo-américano-israélienne, tant respectable que stipendiée, ainsi que dans les médias électroniques des mêmes pays étaient absolument nécessaires à la perpétuation du mythe selon lequel Israël était en train de mener une guerre « défensive » et « existentielle » [sic] pour sa « survie » face à des « terroristes » islamistes supposés incarnés par le Hezbollah et la Résistance nationale libanaise.

La destruction par Israël de 15 000 domiciles, jusqu’à Beyrouth et au-delà, à l’intérieur du Nord du Liban, c’était une action défensive, comme le prétend la CPMAJO ?

Ces apologues de l’invasion israélienne, tellement intelligents, tellement riches, tellement cultivés, issus des universités de Princeton, de Yale, d’Harvard, d’Hopkins et de Chicago pensent-ils sérieusement que les bombardements d’hôpitaux, de supermarchés, de stations de traitement des eaux, d’églises et de mosquées au Sud Liban, de raffineries et de laiteries, d’usines pharmaceutiques et alimentaires à Beyrouth, de moyens de transport, d’autoroutes et de ponts dans le Nord, étaient des actions « existentielles », essentielles à la survie de l’ « État juif » ?

Ne comprennent-ils donc pas l’équation mathématique toute simple exposée plus haut ? L’équation mathématique d’un génocide ?

Ces banquiers d’investissement, ces professeurs, ces dentistes et ces armées de rabbins de toutes les écoles talmudiques possibles et imaginables pensent-ils sérieusement qu’Israël est la victime innocente d’une agression – justifiant ainsi l’assassinat de plus de 90 % de civils parmi les Libanais qu’il a tués ? Des professionnels aussi chevronnés n’ignorent certainement pas qu’entre janvier 1996 et août 2006, il y a eu une moyenne de trois incidents frontaliers par semaine, tout au long de la frontière israélo-libanaise, comportant des raids aériens israéliens, des assassinats et des kidnappings de civils libanais, ainsi que des échanges de tirs de roquettes dans les deux sens.

Les magnats d’Hollywood qui ont fait des dons tellement généreux à la machine de guerre israélienne ne savent-ils donc pas qu’Elliot Abrams, principal conseiller du Président Bush ès affaires moyen-orientales (défenseur implacable de la pureté juive et collaborateur intime du haut commandement israélien) a donné son soutien total, au début de l’été, à un plan israélien visant à détruire le Hezbollah et, ce, un mois – au moins – avant l’incident frontalier [présenté comme le facteur déclenchant du conflit, NdT] [voir Seymour Hersh, « Watching Lebanon », The New Yorker, 21 août 2006].

Bien entendu, ces élites éduquées savent tout ce qu’il y a à savoir sur la frénésie israélienne de puissance et de domination – à la différence de ces bons Allemands qui, dans les années 1940, affirmaient ne pas avoir vu les cheminées fumantes ni les sinistres wagons plombés – puisque les images que l’on voit aujourd’hui de ces appartements dévastés et de ces enfants massacrés étaient visibles quasiment en temps réel, facilement accessibles et suivies très souvent de rapports largement diffusés de toutes les organisations de défense des droits de l’homme, consacrés aux crimes d’Israël contre l’humanité.

Ils connaissaient donc parfaitement les crimes israéliens, et ils les ont soutenus, avant et après le cessez-le-feu. Ils ont délibérément choisi de soutenir la guerre, les politiques et l’État d’Israël, en authentiques complices qu’ils étaient devenus, dès lors que les exactions commises par Israël avaient commencé à être perpétrées.

Néanmoins, le Lobby juif nous dit que le kidnapping de deux soldats par le Hezbollah, à travers la frontière israélienne, aurait été le détonateur d’une invasion à grande échelle. Beaucoup de sources, dans le monde entier, remettent en question y compris la version israélienne faisant état d’une attaque du Hezbollah ayant violé la frontière internationale. D’après le magazine américain Forbes, spécialisé dans la vie des grandes entreprises, édition du 12 juillet 2006, l’AFP (12 juillet 2006), le respectable quotidien Asia Times (15 juillet 2006) et la police libanaise, les soldats israéliens ont en effet été capturés  EN  TERRITOIRE  LIBANAIS [c’est le traducteur qui souligne] dans la région d’Ai’t al-Chaab, un village libanais situé à quelques kilomètres de la frontière israélienne.

Alors que le Lobby juif collecte de l’argent exclusivement au bénéfice des militaires et des civils israéliens juifs, le Hezbollah a engagé un programme de reconstruction non-confessionnel au service de toutes les communautés et de tous les ménages libanais, sans considération pour leur religion ou leur préférences ethniques.

La raison en est que la résistance libanaise est un mouvement national.

Contrairement à ce qu’affirme la propagande du Lobby, la composition de la résistance libanaise n’était absolument pas exclusivement chiite, ni même musulmane. L’invasion israélienne a réussi l’exploit d’unifier toutes les factions libanaises autour de la défense de leur patrie. Sur les 93 combattants libanais tués, 20 % appartenaient à des organisations autres que le Hezbollah : c’est là un point systématiquement occulté par les idéologues du Lobby, qui font la promotion de la politique d’Israël consistant à pousser les Etats-Unis à attaquer l’Iran, la Syrie et d’autres pays du Moyen-Orient connus pour leur hostilité aux ambitions hégémoniques israéliennes.

Conséquence de la guerre israélienne, tant en Israël que dans l’ensemble des réseaux juifs pro-israéliens : l’échec de l’armée israélienne à atteindre son but, consistant à battre et à éliminer la résistance libanaise, et en particulier le Hezbollah, a eu un impact majeur. En Israël, les graves critiques adressées au régime Olmert-Péretz et au général Halutz, émanant tant des militaires que des civils, consistent pour l’essentiel à dire que le gouvernement a été trop faible – il n’y a pas eu, à leurs yeux, assez de bombardements, il n’y a pas eu assez de troupes terrestres déployées, et le territoire libanais occupé a été trop limité. Le Likoud, ainsi que d’autres partis politiques israéliens représentés à la Knesset sont allés jusqu’à prôner le bombardement de la Syrie et de l’Iran…

Alors que nombreux étaient les progressistes usaméricains et israéliens à considérer que le « trouble », les « querelles » et la polémique très dure, au lendemain de la guerre, étaient typiques de la « foire d’empoigne » caractérisant la démocratie israélienne, ils en ont ignoré le contenu sauvagement militariste et le glissement de l’opinion publique israélienne vers l’extrême droite. La polémique israélienne autour de la question de savoir « qui a perdu cette guerre » est fondamentalement ancrée dans la préparation d’une nouvelle agression – encore plus violente – contre le Liban (bien sûr, hélas), mais aussi contre d’autres adversaires d’Israël.

La rage militariste se manifeste dans les assauts brutaux quotidiens contre les Palestiniens dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, où des avions de guerre israéliens bombardent des maisons et où des forces terrestres assassinent et mutilent des dizaines de citoyens – il s’agirait-là de crimes « existentiels », contre des écoliers jetant des pierres… La rage d’Israël affecte désormais les notabilités religieuses juives. Le Conseil Rabbinique d’Amérique [Rabbinical Council of America – RCA] a appelé la soldatesque israélienne à réévaluer ses règles militaires de guerre à la lumière, de la part du Hezbollah, « d’un recours dénué de toute conscience à des civils, à des ambulances, à des mosquées et autres entités civiles en tant que boucliers humains », d’après le Jerusalem Post du 21 août.

Ce RCA, ainsi que l’organisation féminine juive orthodoxe Eminah, représentent à eux deux plus d’un million de juifs américains. Leur appel à maximiser le nombre des morts civils afin de réduire les « risques » encourus par « nos » soldats (juifs israéliens) est tout à fait dans la ligne des thuriféraires du nazisme encourageant la Wehrmacht à perpétrer sa politique de la terre brûlée durant la Seconde guerre mondiale.

Leurs homologues israéliens, les rabbins Eliyahu et Drori, ont repris les « critiques délicates » du RCA en des termes plus colorés et désinhibés : « Nos militaires corrompus, qui nous disent que nos soldats doivent mettre leur vie en danger pour protéger des civils ennemis : voilà la raison de notre défaite ! », a ainsi déclaré l’humaniste rabbin Eliyahu, qui voit dans tous les civils non-juifs opposés à la politique israélienne des ennemis dignes d’être brûlés. Pour ne pas être en reste, le bon rabbin Drori a accusé tout le reste de l’humanité occidentale d’être « antisémite », au motif qu’elle est horrifiée par le spectacle des destructions sauvages perpétrées par Israël. « Les antisémites exigent que nous fassions preuve de moralité chrétienne, alors même que nos ennemis ont un comportement barbare ! » [Jerusalem Post, 21 août 2006]. Apparemment, l’assassinat et les mutilations de plusieurs milliers de civils libanais, principalement des femmes et des enfants, voilà qui ne suffit pas à rassasier ce rabbin déchaîné.

De crainte qu’on puisse penser que ces rabbins américains et israéliens seraient simplement des gens totalement imprévisibles ou des psychopathes isolés, trois semaines auparavant, un certain rabbin Dov Lior, au nom du Conseil Yesh des Rabbins (qui encadre des centaines de milliers d’ouailles en Israël), a annoncé ceci :

« Lorsque nos ennemis tiennent un bébé dans une main et nous tirent dessus avec l’autre, ou quand des missiles sont délibérément lancés contre des civils en Terre d’Israël en total mépris des critères moraux, nous sommes obligés de réagir conformément à la morale juive, qui stipule que « si quelqu’un se lève pour te tuer, lève-toi avant-lui, et tue-le, toi le premier ! » [Jerusalem Post, 25 août].

Ces saints hommes de la Terre sainte administrent ainsi une bénédiction religieuse a posteriori à l’assassinat des plus de trois cents enfants libanais tués, exhortant à ce qu’on en tue davantage. Tout ceci, nous dit-on, conformément à la « morale juive ». Il est certain que nombreux sont les juifs américains, en particulier progressistes, mais même y compris conservateurs, à objecter à ces décrets rabbiniques préconisant le massacre d’enfants, mais nous sommes assourdis par leur silence poli. Le Lobby laisse habilement tomber le couplet sur la moralité juive, mais cela ne l’empêche nullement de prendre parti en faveur de la ligne séculière « modérée » à base de « morts de civils israéliens causées par l’utilisation, par le Hezbollah, de bébés et de grands-mères libanais en tant que boucliers humains, afin de commettre ses crimes ». Aussi le débat fait-il rage actuellement entre rabbins américains et israéliens, d’une part, et apologues tant laïques que religieux, d’autre part, autour de la question de savoir si l’assassinat de civils libanais, dont des enfants, doit être fondé sur des considérations militaires tactiques, ou bien plutôt sur des considérations éthico-religieuses ?

Le Directeur exécutif du Congrès juif américain [American Jewish Committee], David A. Harris, qualifie (lui-même) de mensonge la sale propagande des sionistes américains « de gôche » qui minimisent le rôle du Lobby juif dans la sécurisation d’une Maison Blanche entièrement acquise à la cause ainsi que du Congrès à la destruction du Liban par Israël. Commentant la soumission totale des USA à Israël, Harris a déclaré : « Aucun autre pays [que le nôtre] n’a été préparé à définir une relation aussi étroite avec Israël, dans tous les domaines des échanges bilatéraux – des ventes d’armement, de l’aide à l’étranger et du partage de renseignement, jusqu’à une zone de libre échange, en passant par la coopération scientifique et le soutien diplomatique. Aucun autre pays n’a la capacité, en raison même de sa taille et de son statut, de contribuer [autant que les Etats-Unis] à seconder la quête d’une paix assurée et durable [sic] qui est celle d’Israël… Dans le dernier conflit avec le Hezbollah, les USA ont, là encore, apporté la preuve de leur détermination à se tenir au côté d’Israël, à lui apporter un soutien vital et à résister à la pression de plusieurs pays alliés des USA qui désiraient une fin plus rapide des combats, même si celle-ci aurait signifié un Hezbollah largement intact et toujours dans la place… Quel que soit le facteur le plus important, il n’y a aucun doute que la juiverie [« Jewry » dans l’original] américaine représente un élément essentiel dans l’équation (accouplant les USA à Israël). Raison de plus, pour la juiverie américaine, de travailler jour et nuit d’arrache-pied afin de s’assurer que cette relation mutuellement profitable [sic] ne cesse de se renforcer, jour après jour. » [Jerusalem Post, 25 août].

Dit en bon français : le réseau et les lobbies juifs ont été capables de s’assurer de 98 % de soutiens au Congrès, sur une résolution approuvant l’invasion israélienne du Liban, quand bien même quelque 54 % des démocrates et 39 % des républicains préféreraient une politique de neutralité à l’alignement sur Israël. [Sondage Times-Bloomberg, 25 juillet 2006 – 1er août 2006, publié par l’Agence télégraphique juive [Jewish Telegraph Agency] le 15 août 2006].

Le Lobby a convaincu, pressuré et menacé la Maison Blanche de prolonger les bombardements de terreur, comme l’a si fièrement annoncé Harris. Le Lobby juif travaille « dimanches (shabbats, NdT) et fêtes » afin de s’assurer qu’Israël est bien en mesure de poursuivre son épuration ethnique de la Palestine, de balancer ses bombes de cinq tonnes sur des immeubles d’habitation au Liban, d’araser des villages au bulldozer et d’isoler les USA de ses plus proches alliés, le tout, aux dépens du contribuable usaméricain, de nos idéaux démocratiques et de notre souveraineté. Et l’AJC [American Jewish Committe] a la chutzpah [l’arrogance] d’affirmer que tout cela constituerait notre « relation mutuellement profitable ».

Si, ça, ça n’est pas de la malhonnêteté politique ! ? !

James Petras | 29 août 2006 | Dissidentvoice.org

James Petras, ancien professeur de sociologie à l’Université Binghamton de New York, est engagé dans la lutte des classes depuis cinquante ans. Il conseille les paysans sans terre et les chômeurs au Brésil et en Argentine. Il est coauteur de La Mondialisation sans fard [Globalization Unmasked (éditions Zed Books)]. Son dernier ouvrage est : The Power of Israel in the United States [en anglais – Le pouvoir d’Israël aux USA– (éditions Clarity Press, 2006).

Traduit par Marcel Charbonnier